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Une croissance sans bienfait avant la récession (1ère partie)

Les économistes écoutés par le gouvernement et largement propulsés dans les médias nous ont seriné que la politique du ruissellement était le Graal qui allait nous faire vivre dans une opulence générale toujours plus grande où l’on restreindrait les inégalités et le chômage. Il fallait pour cela une croissance du PIB au moins égale à 1,5%. La croissance du 2ème trimestre 2019 a été donnée par l’INSEE à 0,24%, corrigée à 0,31% hier alors que l’Allemagne affiche une décroissance à -0 07%. L’objectif de 1,5% a peu de chances d’être atteint mais celui du gouvernement à 1,2% est apparemment atteignable. Si l’on en croit les théories des économistes, cette croissance ne devrait pas faire baisser le chômage. Or le taux de chômage au 2ème trimestre est annoncé à 8,1% par l’INSEE, valeur que nous n’avions plus atteint depuis 2004, donc avant la crise de 2008. Avec ces deux indicateurs mis en lumière avec d’une part une croissance égale à celle du 1er trimestre et supérieure à celle de la zone euro, et d’autre part un taux de chômage inférieur de 1 point de celui du 1er trimestre, Macron peut faire passer le message d’une France qui se redresse, même si la croissance reste faible.
 
Qu’en est-il réellement du chômage ?
La mariée est-elle si belle ? Il faut d’abord préciser ce que représente le taux de chômage au sens du Bureau International du Travail, sous des critères adoptés par tous les pays. Le taux de chômage au sens du BIT de l’Insee est un indicateur trimestriel établi sur la base d’une enquête réalisée auprès de plusieurs dizaines de milliers de personnes. Et pour ce faire, l’institut a sa propre définition d’une personne privée d’emploi : 
« Un chômeur au sens du Bureau international du travail (BIT) est une personne en âge de travailler (c’est-à-dire ayant 15 ans ou plus) qui n’a pas travaillé, ne serait-ce qu’une heure, au cours de la semaine de référence, est disponible pour travailler dans les deux semaines et a entrepris des démarches actives de recherche d’emploi dans le mois précédent (ou a trouvé un emploi qui commence dans les trois mois). » 
Cette définition se rapproche de celle utilisée pour les demandeurs d’emploi de la catégorie A, en comptant uniquement les personnes qui n’ont pas du tout travaillé dans le mois et ayant effectué des actes positifs de recherche d’emploi. Macron publie officiellement le nombre de demandeurs de cette catégorie chaque trimestre et le commente. Il y a donc déjà deux indicateurs qui apportent une certaine confusion dans les esprits. Autrement dit, un chômeur peut l’être pour l’Insee mais pas pour Pôle emploi, et inversement. Notons qu’un sondage, même sur 20.000 personnes reste un sondage, alors que le chiffre des demandeurs d’emploi est un chiffre comptable. De plus les différentes catégories de demandeurs d’emploi permettent de cerner toutes les personnes inscrites et hors du marché du travail. Ajoutons que le chiffre publié est un minorant puisque l’inscription à Pôle emploi n’est pas obligatoire. Un autre indicateur vient encore apporter des indications supplémentaires, c’est le taux d’activité ou d’emploi qui cerne toutes les personnes ayant un emploi à temps plein ou partiel, ce que ne donne pas le taux de chômage du BIT. 
Regardons donc d’abord l’évolution du taux de chômage au sens du BIT publié par Eurostat pour quelques grands pays du 1er trimestre 2017 au 2ème trimestre 2019. On assiste à une baisse générale des taux et à une performance annuelle de la France inférieure à celle de la zone euro. De plus son taux reste supérieur à celui de l’UE et l’écart s’est creusé avec la zone euro sur cette période allant du 1er trimestre 2017 au 2ème trimestre 2019. L’Allemagne reste à un niveau historiquement bas à 3 points, et le plus bas des pays de l’UE. On pourrait ajouter le Royaume-Uni, chiffre du 2ème trimestre non encore publié mais à 3,7 points au 1er trimestre. C’est l’Espagne qui montre la baisse la plus significative. En fait la baisse spectaculaire du taux de la Zone euro au 2ème trimestre 5019 tient beaucoup aux baisses de l’Espagne, de la France, des Pays-Bas et du Portugal. Néanmoins l’essentiel de la baisse estimée du taux de chômage en France tient essentiellement à un contexte général favorable et non à une politique française spécifique et particulièrement performante. On note d’ailleurs que le taux n’a réellement baissé que pour ce 2ème trimestre alors qu’il avait reculé sur le deuxième semestre 2018. Rien ne dit que cette baisse va continuer si le contexte économique général suit l’évolution à la récession que l’Allemagne a commencé à prendre.
L’examen des variations du taux de chômage sur les mêmes pays permet de préciser les évolutions relatives entre les pays concernés. Contrairement à l’impression de la figure précédente, c’est l’Allemagne qui apparaît comme la plus performante en diminuant significativement un taux de chômage déjà très bas. En effet il ne s’agit pas ici de diminution de points de chômage mais de variation relative sur la période concernée. Cette représentation mesure l’effort réel sur le chômage et à ce jeu la France est la moins performante sur l’année même si le 2ème trimestre la place juste derrière l’Allemagne. Annuellement la France reste derrière l’UE et la Zone euro, et n’a donc pas à se réjouir d’une embellie très récente à confirmer. 
Mais il y a un troisième indicateur, le taux d’emploi ou d’activité, qui peut compléter notre information car il tient compte de toutes les durées d’emploi des actifs entre 15 et 64 ans. Les informations aujourd’hui disponibles sur le taux d’activité ne concernent pas exactement les mêmes pays que ceux illustrant le chômage mais la France et l’Espagne y sont encore représentées.  Il apparaît cette fois la Suède, pays de l’UE hors Zone euro, ainsi que la Suisse et la Norvège, pays hors UE. La Suisse se signale comme le pays ayant fait avancer le mieux le taux d’activité en dépit d’un taux de chômage très bas à 4,7%. Elle est suivie par les Pays-Bas, la Suède et la Norvège dont le taux de chômage sont très bas pour les Pays-Bas à 3,3%, et la Norvège à 3,4%. Avec 65,7% de taux d’activité la France reste très en dessous de la Suisse avec 80,6%, les Pays-Bas avec  78,1%, la Suède avec 77,6%, et la Norvège avec 75,2%. Elle ne peut pas se réjouir de dépasser l’Espagne actuellement à 63,5%, et l’Italie et la Grèce respectivement à 58,2% et 55,0% au 1er trimestre 2019. La France se place même derrière le Portugal à 70,4 % ! 
De même que pour le chômage, la variation relative du taux d’activité donne un autre éclairage sur les efforts récents d’augmentation de celui-ci. Ce sont les efforts de l’Espagne qui sont les plus importants tant sur l’année que sur le 2ème trimestre 2019. A l’inverse pour la France le taux d’activité est inchangé sur l’année même si l’effort du 2ème trimestre 2019 nous place devant les Pays-Bas et le Portugal. L’embellie relative sur un trimestre ne peut pas cacher la piètre performance de la France dans le domaine de l’emploi avec un taux d’emploi inchangé depuis le 2ème trimestre 2017. Mais ce graphique amène une autre conclusion, c’est que ni l’UE, ni la Zone euro ne sont des « faciliteurs » en matière d’emploi. Les pays hors UE comme la Suisse et la Norvège, et les pays hors Zone euro comme la Suède démontrent le contraire. 
Pour en terminer avec la soi-disant embellie sur le plan du chômage dont le gouvernement se pare, il nous faut regarder les statistiques des demandeurs d’emploi calculées mensuellement. Il est intéressant de les comparer avec le taux d’activité car cet indicateur de taux d’activité est plus proche des valeurs toutes catégories des demandeurs d’emploi français que le taux de chômage du BIT. La figure de l’évolution de la catégorie A de plein emploi et de celle de l’ensemble des catégories de demandeurs d’emploi est particulièrement instructive. Le nombre total de demandeurs d’emploi n’a pas varié depuis 34 mois avec 6,544 millions en octobre 2016 et 6,563 en juillet 2019 ! Seule la catégorie A a diminué depuis mars 2017 avec une accélération de septembre 2018 à mai 2019. Toutefois depuis on note une inversion de tendance avec une régression de la vitesse de décroissance. La diminution de 2,28% de la catégorie A depuis octobre 2016 n’est pas forcément due à une reprise d’emploi. Ce n’est le cas que pour 1 demandeur sur 4, le reste est dû aux radiations et au transfert dans les autres catégories d’emploi partiel, de retrait volontaire, de décès, de maladies ou de contrats aidés. 
Comme le confirment le taux d’activité et le nombre de demandeurs d’emploi, le chômage total et partiel n’est pas en diminution et les affirmations d’embellie du gouvernement sont un leurre. Par ailleurs on peut constater que les pays hors UE ou hors Zone euro tirent mieux leur épingle du jeu que les pays de la Zone euro. Les évolutions du chômage sont générales dans l’Europe et suivent la conjoncture économique mondiale, mais avec un retard de l’Europe par rapport aux autres grande puissances économiques. La participation de la France à l’UE ne lui amène aucun bénéfice sur le plan du chômage, bien au contraire. De plus par rapport aux autres pays de l’UE la France ne brille ni par son taux de chômage, ni par son taux d’activité, ni par ses efforts de réduction du nombre de chômeurs même si le 2ème trimestre est un peu meilleur et que le nombre de personnes en emploi à plein temps parait avoir augmenté. La politique de ruissellement à 40 milliards, devant faire baisser le nombre de chômeurs de 1 million s’avère une arnaque sur le plan du chômage global et n’a donné que 67000 demandeurs en moins dans la catégorie A depuis octobre 2016. On verra dans le prochain article ce qu’il en est de la croissance du PIB et du redressement de la France.
La politique du ruissellement glisse sur le chômage 
Et finit toujours dans la poche des actionnaires.
Ce n’est qu’un transfert de l’argent du peuple 
Vers les bonimenteurs les plus riches !
 
Claude Trouvé 
30/08/19

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